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Déclic

Cet article est paru dans la revue RectoVerseau n°350, avril 2023   Je ne sais pas si je peux parler d’un déclic. D’une brèche, cer...

Déclic

Cet article est paru dans la revue RectoVerseau n°350, avril 2023

 

Je ne sais pas si je peux parler d’un déclic. D’une brèche, certainement.

Il y a bien des décennies, un livre de la merveilleuse collection Terre Humaine a été comme un coup de hache dans mes repères et mes certitudes. « Les derniers Rois de Thulé » de Jean Malaurie. Voilà que je découvrais avec les Inuits, des codes, des valeurs différentes. J’étais sidérée. Mon monde, que je croyais universel, ne l’était pas. Il devenait un possible parmi d’autres possibles. Devenue boulimique d’ouvrages anthropologiques, dévorée de curiosité, je finis par avoir entre les mains les écrits de Castaneda que les bibliothécaires ne savaient pas trop où ranger à l’époque. Mon mental n’y comprenait rien, mais fascinée, je notais une phrase puis une autre.
Un fil rouge commençait d’émerger. La multiplicité, le foisonnement de l’Etre, que je découvrais, me poussait inexorablement vers ce que je pratique et enseigne aujourd’hui : l’exploration de Gaston Saint-Pierre.

Au début de mon livre « métamorphose et principes universels » aux Editions Aluna, j’écris : « Lorsque j’ai écouté Gaston Saint-Pierre pour la première fois, au printemps 1990, il y a eu immédiatement une résonance très forte entre ce qu’il présentait et une aspiration intérieure profonde et mystérieuse. Je me souviens que j’ai d’abord été effrayée par ce personnage, je m’arrangeais pour être invisible, au fond de la salle. Mais l’année suivante, j’étais de nouveau là. Et l’année suivante encore et encore. Pourquoi ? Parce que, tout simplement, il y avait le regard qu’il posait sur nous. Un regard joyeux mais ferme, un regard qui ne hiérarchisait pas, sans jugement, attentif, un regard sans projections mentales. Un regard qui permettait d’être, qui permettait à l’essence de se manifester.
Au cours de l’été 1999, je suis le cours pour enseignant et pendant onze jours, le regard que Gaston pose sur ma personne est de la même qualité : attentif, sans jugement, malicieux et grave en même temps. Un regard qui donne accès à un espace immense. Un espace où je peux rencontrer mes propres limites, mes propres frontières, mes descriptions du monde. »

Lorsque j’ai suivi son cours pour enseignants, je le faisais pour moi, sans intention d’enseigner. Mais à la fin du cours, subjuguée par la beauté, la cohérence de ce que j’avais reçu, je savais déjà que j’allais partager. Alors je partage en donnant des séances et des ateliers.

Donner une séance, c’est exercer le détachement dans la pratique et profiter de la qualité d’espace qui s’installe, autant que la personne qui reçoit la séance.

Donner un atelier, c’est à chaque fois l’entendre comme si c’était la première fois, c’est découvrir le miracle du groupe, entrer en contact avec l’essence des participants.es., leur beauté, c’est redécouvrir ce grand mystère qui explore à travers nous.

Et c’est ainsi qu’à 80 ans passés, je suis, chaque matin, émerveillée, pleine de gratitude, de joie et de curiosité.

Cet article a été écrit le : 12 mai 2023

La maison de son être

Lorsque le praticien donne une séance, lorsqu’il a un pied entre les mains, il est conscient d’être en contact avec les trois aspects de la personne: énergé...

La maison de son être

Lorsque le praticien donne une séance, lorsqu’il a un pied entre les mains, il est conscient d’être en contact avec les trois aspects de la personne: énergétique, mental, émotionnel, au niveau du manifesté c’est-à-dire au niveau des notions de temps, d’espace, de matière (forme), au niveau de la dualité. Grâce au Principe de la Correspondance, il sait que ces trois aspects sont le reflet d’un autre domaine, celui de l’unité, du non-manifesté, de tous les potentiels, hors des notions de temps, d’espace, de forme. Unité et dualité, manifesté et non-manifesté, expression de l’ultime, au-delà des notions de temps, d’espace, de matière.

Le praticien se tient dans « la maison de son être », il ne s’identifie pas, ne manipule pas.
Il est conscient qu’il ne donne rien, à l’image de la terre qui ne donne rien à la plante.
La terre est présente, ce n’est pas elle qui donne, ce sont les racines qui prennent ce dont elles ont beesoin. De même, au contact du praticien, la force de vie de la personne qui demande la séance peut s’imprégner de ce qu’elle estime nécessaire.

Se tenir dans la maison de son être n’est pas immobilité, passivité. C’est la façon simple, naturelle de laisser s’enrichir la terre que nous sommes par la pratique du détachement: noter les faits, reconnaître leur présence, les laisser être, conscients que leur propre énergie permet leur transformation selon une direction déjà inscrite à l’intérieur de ces faits. Le moindre frémissement émotionnel, la moindre perception est alors source d’énergie.

« Se tenir dans la maison de son être » ne concerne-t-il que la situation « praticien »?

Gaston Saint-Pierre disait souvent en début d’atelier: « Si vous êtes ici pour aider les autres, vous pouvez partir immédiatement, si vous êtes ici pour vous, vous êtes à la bonne place. »

Donner une séance est un moment privilégié, une situation où nous sommes conscients de l’importance du détachement.
Peu à peu, cette attitude précieuse, nous éprouvons le besoin de l’accueillir dans la vie quotidienne, dans le domaine des relations comme dans le domaine des perceptions.

Se tenir dans la maison de son être, « demeurer en soi-même », dit Maître Eckhart (XIII ième siècle). Dans le petit livre « Du détachement et autres textes » chez Rivage poche, on lit: « Prends une comparaison: une porte s’ouvre et se ferme sur un gond. Je compare le panneau extérieur de la porte à l’homme extérieur, le gond en revanche, je le compare à l’homme intérieur. Or que la porte s’ouvre ou se ferme. le panneau se tourne ici et là, et cependant le gond reste immobile en un lieu et pour cette raison ne subit aucun changement, » Cette analogie nous sensibilise aux deux aspects de notre être: « l’homme extérieur » au niveau du quotidien, dirigé, contrôlé par le mental et « l’homme intérieur », notre partie inoxydable comme j’aime à dire, lien avec l’être total que nous sommes en potentiel.

Dans la notion de détachement tel que nous le définissons ici: noter les faits, reconnaître leur présence, les laisser être. « laisser » et « être » permettent de comprendre l’importance de la collaboration entre les deux aspects de notre être. « Laisser » est le niveau du mental, le mental est d’accord de ne pas contrôler et « Etre » fait le lien avec ce potentiel qui n’est pas accessible au mental.

Comment sentir si nous sommes dans la maison de notre être?

Lorsque nous ne sommes pas dans la maison de notre être:
– sur le plan mental et/ou émotionnel, nous sommes incapables de noter, reconnaître, laisser être, nous sommes happés par le fait, identifiés au fait. Nos actions sont des réactions, nous restons sur le plan horizontal de la dualité.
– sur le plan physique, nous pouvons ressentir une impression de malaise, de déséquilibre, comme un rouage faussé.

Lorsque nous y sommes:
– sur le plan mental et/ou émotionnel, nous notons, reconnaissons les faits, les laissons être naturellement (un effet secondaire intéressant: nous devenons conscients qu’une seule personne a le pouvoir de nous blesser: nous-mêmes.)
– sur le plan physique, il y a souvent une sensation d’être bien enraciné, une sensation de densité, de verticalité, une joie profonde.

Rentrer à la maison, c’est être d’accord de faire corps avec sa véritable autonomie.

Se tenir dans la maison de son être, c’est reconnaître que la Vie s’exprime à travers soi.
C’est sentir que s’exprime une identité mystérieuse à travers l’impermanence d’états successifs.
Danse des métamorphoses qui permet à ce que je suis de se révéler à partir de qui je suis.

Gaston Saint-Pierre disait:

« Ici, on est à la fin de la quête, à la fin de notre recherche, à la fin de notre poursuite, de là l’importance de rentrer dans la maison de son être. »

Et « La maison de ton être, toi seul peut y habiter. »

Et nous seuls pouvons la visiter. Personne ne peut le faire à notre place. Cela implique persévérance, attention vive aux faits non seulement quand nous donnons une séance mais dans notre vie quotidienne. D’où, encore une fois, l’importance de la pratique du détachement, matrice d’amour au sein de laquelle tout fait a la possibilité de se transformer.

Découvrir, visiter sa maison, n’est ce pas enrichir la terre que nous sommes?

Cet article a été écrit le : 08 décembre 2022

Qu’est-ce qu’un fait ?

Qu’est-ce qu’un fait ? Il y a de nombreuses années, j’ai assisté à un concert du groupe japonais Kodo. Ce concert m’a profon...

Qu’est-ce qu’un fait ?

Qu’est-ce qu’un fait ?

Il y a de nombreuses années, j’ai assisté à un concert du groupe japonais Kodo. Ce concert m’a profondément bouleversée. Je voyais, j’entendais des gens qui, me semblait-il, allaient jusqu’au bout d’eux-mêmes. Lorsque j’ai su comment ils avaient choisi de vivre, j’ai compris que c’était vrai : ils allaient jusqu’au bout d’eux-mêmes. Comme transparents dans cet enracinement total que demandait la pratique de leurs instruments, ils permettaient à l’ultime d’être perçu.

Tout cela résonnait très fort avec cette impulsion, cette direction que je percevais en moi. Aller au bout de moi-même.

Je ne vivais pas en ascète sur une île japonaise. Comment cela pouvait-il être possible dans une vie quotidienne banale (je veux dire, sans gravir l’Everest, sans jouer à la perfection d’un instrument de musique etc ….), une vie où on travaille, on s’occupe des enfants, on va faire les courses …?

En rencontrant la Technique de la Métamorphose, j’ai su que c’était possible.

D’une façon très simple : rester avec les faits. La transformation concerne nos propres faits. Exemple : deux voitures entrent en collision, c’est une situation, un fait qui ne peut se transformer, par contre, ma réaction émotionnelle est mon fait et ma source d’énergie. Rester avec ce que je suis en ce moment même, en notant le fait, en le constatant, en le laissant être. Une façon très simple et naturelle de suivre cette impulsion. Cela ne dépendait donc que de moi, le seul obstacle possible ne pouvait venir que de moi. Quand j’ai entendu, au début d’un atelier, Gaston Saint-Pierre dire: « Si vous n’êtes pas là pour vous, vous pouvez partir ! », j’ai su que j’étais au bon endroit.

Mais qu’est-ce qu’un fait ?

Dans le contexte de la Technique de la Métamorphose, c’est quelque chose de très précis, une manifestation d’énergie (un mal de tête, une joie, une colère), une vibration particulière, une convergence de forces, une source d’énergie à notre disposition.

Tout fait est subjectif dans la mesure où il dépend de la perception : une chaise sera perçue différemment par la fourmi qui se promène dans la cour, l’oiseau qui traverse le jardin ou l’enfant qui vient s’asseoir pour goûter.

Noter le fait, le constater, le laisser être : détachement en pratique. Dans le détachement, il y a une volonté constamment renouvelée de laisser le fait être. Nous sommes totalement impliqués avec l’attention, jeu de la conscience et de la perception qui guide vers l’action. C’est un détachement qui est engagement mais non identification.

Que sont les faits ?

Tout fait est une source de pouvoir. Que ce soit le fait de la sclérose en plaques, que ce soit le fait d’un sentiment d’envie, que ce soit le fait d’un sentiment de bonheur. C’est une source d’énergie à notre disposition. Le mental, immédiatement, fait des catégories. Dit : Ah ! Ça c’est bien, ça ce n’est pas bien. Alors, c’est comme ça que le mental annexe l’énergie de ces choses.

Ici, on reste avec les faits, sans jugement.

Gaston Saint-Pierre, Sion, 2010

 J’ai donc compris qu’en restant avec mes faits, en laissant être, la nourriture était inépuisable. Et je percevais également qu’en étant attentive à mes faits, au niveau du  « être », j’avais la possibilité non seulement d’aller au bout de moi-même mais de découvrir ce que je suis derrière qui je suis aujourd’hui. C’était et c’est passionnant.

Tout est nourriture ! La nausée, le bonheur d’entendre le merle, l’agacement provoqué par mot, un article, la tristesse, la joie, la faim, le verre de vin, l’horreur devant la guerre…

Le fait est conscience et perception et reflète mon niveau de conscience. Et c’est là que je mesure toute la richesse de cette approche. Exemple : « je » lis ou « j »’entends quelque chose. Il y a perception et interprétation selon mon niveau de conscience. Supposons que ce qui est lu ou entendu provoque de l’agacement, de la colère ou du bien-être. La dynamique entre en jeu. Il y a attention à ce qui se passe, noter, constater, laisser être… Avec le temps, ces différentes phases se font sans mots, mais il y en a la perception physique dans une sensation d’ouverture, de non impatience du mental qui attend tranquillement ce qui va émerger. C’est cela que je sens être « aller au bout de moi-même ». C’est une sensation très physique. Comme une perception du contact, du point de rencontre dualité (dans le temps, l’espace, la matière)-unité(hors du temps, de l’espace, de la matière). Alors, en écrivant cela, il me semble qu’aller au bout de soi-même, c’est tout simplement rester complètement dans la maison de son être, l’habiter, la découvrir au fur et à mesure des transformations.

Ici (dans les ateliers), on se rend compte de l’importance d’entrer dans la maison de son être et d’y habiter.

Gaston Saint-Pierre. Sion 2010

Janick Noverraz, Switzerland

laurore.meta@gmail.com

Cet article a été écrit le : 08 décembre 2022

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